Il existe un club très restreint auquel appartiennent les entreprises libérées (une centaine recensée dans le monde). Au sein de ces entreprises, il y a une disparition de la pyramide managériale. Isaac Getz et Brian M. Carney qui les ont étudiées les qualifient « d’entreprise pourquoi » par opposition aux « entreprises comment »[1].
Ce sont dans ces premières sociétés qu’on se pose la question de « pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ? », contrairement aux secondes où il est dit ce qui doit être fait et comment cela doit être fait et qui s’accompagne d’une lourde charge de contrôles. Dans les entreprises « comment », c’est un petit groupe qui prend les décisions et les autres qui font le job.
Co-créer un nouveau mode de fonctionnement plus performant
Dans une majorité des sociétés où règne en maître une organisation pyramidale, se font sentir des difficultés importantes par un manque d’agilité et la présence d'une rigidité fonctionnelle. Souvent ceci est accompagné par des contrôles excessifs qui se révèlent coûteux et infligés à l’ensemble de ses collaborateurs alors qu'il est communément admis que seuls 3% des salariés au sein des organisations ne jouent pas le jeu et doivent faire l'objet de contrôles poussés.
Face à ce constat, quelques dirigeants ont pris la décision de faire confiance à leurs salariés et de ne pas seulement embaucher des mains et des corps, mais également des cerveaux. C'est pourquoi, dans ces entreprises, on a vu fleurir les chantiers participatifs impliquant les salariés et ayant pour but de co-construire une nouvelle organisation plus réactive et plus performante. Le processus de mise en place se réalise souvent à tâtons et les chantiers se succédent au fur et à mesure des besoins remontant des collaborateurs. Ces chantiers co-construits avec l’ensemble de ses salariés débutent souvent par :
la définition d'une nouvelle vision et des valeurs de l’entreprise (se réunir autour de règles du jeu et d’une identité commune)
l'identification des « irritants » : chercher tout ce qui peut agacer ses salariés dans le fonctionnement, la lourdeur bureaucratique, etc…
le nettoyage des sites et des signes de pouvoirs (bureaux, place de parking réservée, suppression du codir, …)
Par la suite, ces chantiers aboutissent, d'une manière assez générale, à la mise en place de petites équipes fonctionnelles et autonomes, menée par des «team leaders » souvent cooptés pour une période par leurs pairs. Le team leader n’est plus un simple manager qui explique ce qu’il faut faire, mais il fait grandir son équipe et est nourricier pour ses équipiers.
Cette sollicitation des salariés a un fort impact sur la croissance des entreprises. C'est ce qui fut observé notamment chez Chrono-Flex, une société Nantaise, qui a vu son chiffre d’affaire exploser de 15% dès la première année de mise en place d'une organisation "libérée" et cette croissance à deux chiffres s’est maintenue durant les deux années qui suivirent. Ce fut la simple conséquence de l’implication et de la motivation des salariés. C’est devenu leur entreprise et non plus l’entreprise de leur patron. Et leur investissement dans la vie de leur entreprise s’en est accru.
Les difficultés rencontrées et les principaux freins à la mise en place
Tout peut ne pas se dérouler non plus de façon parfaitement fluide et sans accros, et des difficultés peuvent se faire ressentir lors de la mise en place de telles organisations. Plusieurs freins doivent être levés. En particulier, deux freins principaux au lancement doivent être surmontés :
l’égo : c’est celui du patron dont il est question. Il est difficile de se dire que l’on doit lâcher la bride de son entreprise au profit de ses salariés et que l’on est plus seul maître à bord.
la culture : l’autocratisme et le contrôle sont bien ancrés dans nos modes de management actuels, et il est très dur d’y passer outre.
Quelques heurts peuvent se faire sentir notamment au niveau de la ligne des anciens managers par le fait de dissocier les fonctions et le pouvoir décisionnaire. Quatre catégories face à ce changement :
les papillons : ceux qui se sentent très bien d’entrée et qui en profitent pour grandir (ils sortent de leur chrysalide);
les pommés : c’est la plus grande majorité et ceux-ci nécessitent d’être accompagnés ;
les attentistes : à ceux-là, il faut leur donner du temps ;
les réfractaires : une minorité. Ce sont ceux qui sont accros au pouvoir et qui finiront par partir et quitter l’entreprise.
Il n’y a pas un chemin, mais des chemins …
Il n’y a pas de recette miracle pour mettre en place ce type de système participatif. Quelques préceptes facilitateurs peuvent cependant être énoncés :
une parole libre,
une information circulante,
le volontariat,
et le développement d’une nouvelle culture de l’autocontrôle et du droit à l’erreur.
On le voit les bénéfices peuvent être importants pour une entreprise d’impliquer ses salariés dans le fonctionnement global : augmentation du chiffre d’affaire, réactivité, satisfaction client, créativité … Cependant, le changement de culture ne se décrète pas, il se vit. Il n’y a pas une façon de faire, mais des façons de faire. Chaque société doit faire en fonction de son propre ADN et de celui de son dirigeant.
Faut-il se diriger vers ce type de fonctionnement ? L'atteinte du niveau d'entreprise "libérée" n'est pas une fin en soi. Un tel mode de fonctionnement n'est pas envisageable, ni raisonnable, dans toutes les organisations. Sans aller à l'outrance, il est cependant clair que faciliter la participation des salariés dans l'organisation de leur travail et de leurs ativités ou dans la recherche de solutions, est un élément essentiel entrant dans la motivation des collaborateurs.
[1] I. Getz et B. M. Carney. Liberté et Cie. Fayard, 2012.
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